Marché public : l’interdiction de corriger les quantités présumées

La réglementation relative aux marchés publics prévoit notamment que les soumissionnaires doivent apporter eux-mêmes des corrections lorsqu'ils découvrent des erreurs dans les quantités présumées mentionnées dans le métré. Ils doivent, par ailleurs, justifier ces modifications en joignant une note à l'offre.

Toutefois, les corrections d'erreurs dans les quantités présumées sont uniquement possibles dans une procédure ouverte ou restreinte si les documents du marché le permettent et à condition que la correction proposée représente au moins 10 % en plus ou en moins de la quantité en question (art. 79, §2, 2° A.R. Passation 18 avril 2017).

Les règles qui s'appliquent à la phase d'attribution, lorsque la procédure d'attribution correspond à la procédure ouverte ou restreinte (ce qui était « anciennement » la procédure ouverte ou restreinte d’adjudication ou d’appel d'offres), sont strictes. Certaines de ces règles concernent la manière dont les soumissionnaires peuvent corriger ou compléter les documents du marché ainsi que la manière dont le pouvoir adjudicateur peut ou doit les traiter. Conformément à l'article 79 §2 de l'A.R. Passation du 18 avril 2017, le soumissionnaire, en tenant compte des documents du marché, de ses connaissances professionnelles ou de ses constatations personnelles :

  1. corrige les erreurs qu'il découvre dans les quantités forfaitaires ;
  2. corrige les erreurs qu'il découvre dans les quantités présumées pour lesquelles les documents du marché autorisent cette correction et à condition que la correction en plus ou en moins qu'il propose atteigne au moins 10 % du poste considéré ;
  3. répare les omissions dans le métré récapitulatif ou l'inventaire.

Une note justifiant ces modifications doit également être jointe à son offre.

Ainsi, les modifications des quantités présumées des postes ne sont possibles dans une procédure ouverte ou restreinte que si elles sont expressément autorisées dans les documents du marché (généralement le cahier des charges) et si la correction proposée représente au moins 10 % en plus ou en moins de la quantité initiale prévue. Ces deux éléments doivent être respectés.

Il convient de noter que cette disposition de l’A.R. du 18 avril 2017 réfère à ce qui était prévu à l'article 96 de l'A.R. Passation du 8 janvier 1996. Dans l’A.R. Passation du 15 juillet 2011, il était encore stipulé que les modifications des quantités présumées étaient en principe toujours autorisées, à condition que la correction proposée atteigne au moins 25 % en plus ou en moins du poste considéré.

Que se passera-t-il si un soumissionnaire apporte quand même une correction à la quantité présumée alors qu’une telle correction n'est pas expressément autorisée ?

Il s'agit d'une discussion délicate pour laquelle le pouvoir adjudicateur a intérêt à solliciter une assistance juridique, mais nous constatons toutefois qu'à la suite d'une correction non autorisée de la quantité présumée et de sa rectification par le pouvoir à la quantité initiale, le Conseil d'État a jugé dans un arrêt du 23 janvier 2018 (C.E. 23 janvier 2018, Entr.et dr. 2018/3, 249-264.) que l'ensemble de la procédure de comparaison des offres et, partant, la décision d'attribution avaient été affectées.

Selon le Conseil, le pouvoir avait commis une erreur en n'examinant pas au préalable si la correction non autorisée apportée par le soumissionnaire devait être considérée comme une irrégularité substantielle. L’erreur commise par le soumissionnaire et son traitement par le pouvoir adjudicateur ont donc eu des conséquences considérables.

Nous retiendrons qu’il est important, lors de l'élaboration des conditions administratives du cahier des charges d'une procédure ouverte ou restreinte dont le métré prévoit des postes en quantités présumées, d'examiner si une telle disposition prévoyant la correction des quantités présumées doit ou non être introduite.

Bien entendu, le soumissionnaire est et demeure responsable de son offre ainsi que de sa conformité par rapport aux documents du marché et à la réglementation relative aux marchés publics. Nous pouvons néanmoins imaginer que, dans certains cas, il serait dommage de devoir exclure un entrepreneur avec une bonne offre parce qu'il a proposé une correction de la quantité présumée (à juste titre ou non), alors que cela n'est pas expressément autorisé.

 

Tom Cromphout

Juriste Service d’étude

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