Le fait d'être impliqué dans une infraction urbanistique n'est pas sans risque

Déroger à un permis d’urbanisme peut être lourd de conséquences, non seulement pour le maître d'ouvrage, mais aussi pour l’architecte. En effet, ce dernier est tenu d’attirer l’attention sur les infractions urbanistiques et sur les risques qui en découlent, tant sur le plan civil que pénal.

À première vue, déroger à un permis d’urbanisme ou démarrer les travaux alors qu’on a fait appel contre le permis semble un problème pour le maître d'ouvrage, surtout si, en tant que concepteur, vous êtes couvert par une clause écrite vis-à-vis de votre client. Ce n’est pourtant pas aussi simple. En tant que concepteur, vous n’êtes pas seulement responsable de la conception mais aussi du respect du permis délivré. Un point essentiel de votre mission est de concevoir un projet qui soit conforme aux prescriptions urbanistiques afin d’obtenir un permis de bâtir, sans devoir pour autant vous porter garant de l’obtention du permis.

Une de vos tâches est d’attirer l’attention du client sur les risques de ne pas obtenir de permis de bâtir ni de régularisation. Le maître d'ouvrage peut avoir certains souhaits, c’est alors au concepteur de les convertir en un projet respectant les règlements urbanistiques. Si les souhaits du client sont contraires à cette réglementation, vous devez l’en informer et, le cas échéant, lui refuser votre collaboration. Vous exonérer de toute responsabilité quand votre client insiste n’est certainement pas une solution à toute épreuve.

Lorsqu’il apparaît au cours d’une rénovation autorisée que les travaux de transformation ne sont pas réalisables ou alors à un coût exorbitant, répondre à la demande du maître d'ouvrage de démolir et de reconstruire à la place n’est pas sans risques. Rappelez-vous que l’obtention d’un permis de régularisation n’est jamais garantie.

PARTICIPER À UNE INFRACTION D'URBANISME : VOTRE RESPONSABILITÉ CIVILE PEUT ÊTRE ENGAGÉE

Quelques cas illustrent les risques sur le plan civil :

1. Un architecte se voit confier par son client professionnel la mission de transformer une ancienne usine en appartements. Le projet soumis est accepté. Les appartements sont vendus sur plan avec mention du permis d’urbanisme. Pendant les travaux, on se rend compte que le bâtiment existant ne répond pas aux attentes et que les travaux de rénovation vont s’avérer nettement plus coûteux que prévu. Le promoteur immobilier propose de démolir et de reconstruire avec les matériaux récupérés en conservant l’ancien volume. L’architecte estime que cela doit être possible en respectant certaines conditions. L’ancien bâtiment est démoli et reconstruit et non rénové comme prévu par le permis d’urbanisme.

Les acheteurs ne sont pas informés des modifications de réalisation. Une demande de régularisation est introduite, mais elle est refusée. Un appel contre le refus n’aboutit pas. Le projet réalisé n’a donc pas reçu de permis. Les acheteurs déclarent ne pas avoir été informés du changement de réalisation ni des procédures de régularisation entamées. Ils exigent l’invalidation pour tromperie et la rupture du contrat de vente en raison de la livraison non conforme. L’architecte est assigné en intervention et garantie. D’après l’historique et le descriptif de la demande, il apparaît clairement que l’architecte a participé, en connaissance de cause, à l'infraction urbanistique, suite à quoi l’assurance RC a refusé couverture. L’architecte devra donc assumer lui-même la responsabilité éventuelle pour les faits reprochés.

En première instance, les contrats de vente ont soit été résiliés pour livraison non conforme, soit déclarés nuls pour tromperie. Le promoteur a été condamné à rembourser les montants des ventes. La responsabilité de l’architecte n’a pas été retenue, car le promoteur était un professionnel du bâtiment. En appel, la Cour a néanmoins jugé l’architecte responsable pour non-respect de son devoir d’information : il était d’accord avec la démolition et la reconstruction et a donné l’impression qu’il n’y avait pas de problème urbanistique. L’architecte doit garantir le promoteur de toute condamnation et c’est donc lui finalement qui doit rembourser aux acheteurs les prix d'achats encaissés par le promoteur.

2. Un deuxième cas porte sur le non-respect dans la phase de réalisation des surfaces minimales imposées par la commune pour les appartements, alors qu’elles étaient bien respectées sur les plans acceptés. Une demande de régularisation a été refusée. Les acheteurs intentent une action en justice.

En première instance, l’architecte a été acquitté car il avait attiré l’attention du promoteur sur l’infraction pendant la réalisation des travaux. Nous ne pouvons qu'espérer un même résultat en appel.

3. Un troisième cas montre que l’architecte ne peut pas faire valoir le fait que la commune ait délivré un permis. En se fondant sur un dossier assez confus et peu soigné, la commune a octroyé un permis mais a fait arrêter les travaux pendant la réalisation en raison d’infractions en matière d’urbanisme. L’architecte ainsi que la commune qui avait approuvé la demande de permis de bâtir, ont été jugés responsables des dommages subis par le maître d'ouvrage.

PARTICIPER À UNE INFRACTION D’URBANISME: VOTRE RESPONSABILITÉ PÉNALE PEUT ÊTRE ENGAGÉE

Les délits d’urbanisme peuvent être portés devant le tribunal répressif : toute personne qui y participe en tant qu’auteur, co-auteur ou complice peut faire l’objet de poursuites sur le plan pénal. En tant que professionnel, l’architecte aura bien du mal à trouver des arguments juridiques justifiant l’infraction, du fait qu’il ne pourra démontrer qu’il n’était ou ne devait pas être au courant de l’infraction.

Un architecte à qui le propriétaire demande de rénover son bien immobilier a tout intérêt à s’assurer que l’immeuble n’est pas en infraction d’urbanisme. Bien entendu, il ne porte aucune responsabilité (civile ou pénale) pour la construction sans permis, mais s’il participe à la suite des travaux, il encourt le risque de poursuites pour avoir continué le délit d’urbanisme.

EXONÉRATION DE RESPONSABILITÉ

Quand le client veut imposer sa volonté, l’exonération de responsabilité n’est pas toujours acquise pour celui qui prête son concours à un délit d’urbanisme. En première instance, une exonération n’est possible que sur le plan civil, car on ne peut s'éxonérer d’une responsabilité pénale.

Mais même sur le plan civil, une exonération n’est pas définitive : elle ne vaudra que vis-à-vis du client. Le risque de la responsabilité continuera d’exister vis-à-vis des acquéreurs ultérieurs du bien.

À VOS RISQUES ET PÉRILS

Dans la majorité des cas, la participation à un délit d’urbanisme se fait en connaissance de cause et n’est donc pas couverte par l’assurance en responsabilité civile.

Il est donc primordial de vérifier que la conception et la réalisation sont conformes aux prescriptions urbanistiques et attirer l’attention du maître d’ouvrage sur les risques d'un refus de permis ou de régularisation.

Participer à une infraction urbanistique porte toujours un risque, même quand le maître d’ouvrage assume la responsabilité.

Marijke Evens
Juriste d'entreprise Protect

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