Demande de régularisation et responsabilité de l'architecte

Souvent l'on nous pose la question de savoir si un architecte, chargé uniquement de l'introduction d'une demande de régularisation de travaux réalisés ou d'une demande de modification d'un permis existant, peut encourir une responsabilité pour les travaux exécutés sans permis ou en infraction du permis existant, de par le simple fait d'introduire une demande de régularisation.
Suit alors la question des risques liés à une mission partielle de régularisation et si ces dossiers de régularisation doivent être déclarés à l'assureur RC.

EN QUOI CONSISTE LA DEMANDE DE RÉGULARISATION/MODIFICATION?

On parlera d'une demande de régularisation lorsqu'il s'agit de travaux réalisés sans permis d'urbanisme ou en infraction avec le permis octroyé. Le délit de construction est donc déjà commis mais on veut régulariser la situation post factum.
On parlera d'une demande de modification lorsqu'il s'agit de modifications (exécution modifiée, extensions....) apportées au permis accordé avant le début des travaux ou en cours d'exécution des travaux, modifications pour lesquelles on demande d'octroyer le permis avant toute exécution des travaux concernés. Il n'y a pas encore de délit de construction mais on demande la modification du permis préalablement à l'exécution. Dans la pratique cette demande sera formulée par l'architecte déjà chargé d'une mission complète et qui en garde donc la responsabilité.

RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE

Rappelons d'abord que la responsabilité de l'architecte est de nature contractuelle et donc limitée à la mission confiée à l'architecte. Lorsqu'un architecte est donc uniquement chargé d'un dossier de régularisation, sa responsabilité se limitera à tout ce qui a rapport à la demande de régularisation.
En aucun cas l'architecte ne porte de responsabilité pour les travaux exécutés sans permis ou en infraction avec le permis accordé. La construction existante tombe sous la responsabilité de ceux qui ont construit sans permis ou n'ont pas respecté le permis accordé.

L'architecte appelé à régulariser les « délits de construction » par la suite ne pourra jamais être rendu responsable des défauts de la construction, ni par le Maître de l'Ouvrage ni par les acquéreurs du bien immobilier. Ces défauts restent entièrement à charge de ceux qui ont participé à la construction, qu'il s'agisse de la phase conception ou de la phaseexécution.
Sa responsabilité se limite aux actes liés à sa mission d'établir un dossier de régularisation et d'introduire une demande de permis. Il doit donc veiller à ce que le dossier soit correct et la transposition exacte des travaux exécutés, que son dossier soit complet etc. Il sera responsable de tous les manquements /fautes dans le dossier de régularisation lui-même, non pour les manquements /fautes des travaux exécutés.

Il est évident qu'il ne peut s'engager à une obligation de résultat en ce qui concerne l'obtention de la régularisation. Le refus ne tombera sous sa responsabilité que dans le cas où le refus est consécutif à une faute dans le dossier de régularisation.

Il est très important que la mission de régularisation soit clairement définie dans un contrat entre parties afin de permettre à l'architecte de prouver sa mission partielle envers les futurs acquéreurs du bien immobilier.

UN CONTRAT CLAIR

La convention que l'architecte, chargé de la demande de régularisation, conclut avec son client doit:

  • mentionner clairement qu'il s'agit uniquement d'une mission partielle limitée à l'introduction d'un dossier de régularisation et la demande d'un permis de régularisation des travaux exécutés;
  • reprendre de façon précise les travaux exécutés sans permis et mentionner les travaux auquels la régularisation a trait. La demande de régularisation doit aussi être précise à ce sujet;
  • contenir une clause d'exclusion de toute responsabilité pour la construction existante, aussi bien pour le concept que pour l'exécution. Préciser aussi que l'établissement du dossier de régularisation consiste uniquement à reproduire de façon exacte les travaux exécutés sans aucune obligation ni de contrôle de ces travaux ni d' avis sur la qualité des travaux exécutés;
  • mentionner également que l'établissement du dossier de régularisation ne peut en aucune façon être considéré comme une reconnaissance de participation au délit de construction;
  • mentionner que l'architecte ne contracte qu'une obligation de moyens quant à l'obtention de la régularisation et ne peut en aucun cas garantir l'obtention du permis.

RÉGULARISATION VERSUS RÈGLEMENTATION EN MATIÈRE DE PRESTATIONS ÉNERGÉTIQUES ET COORDINATION DE SÉCURITÉ

Il est claire que les demandes de régularisation doivent également tenir compte de la règlementation en matière de prestations énergétiques du bâtiment. Les exigences énergétiques d'application sont celles en vigueur à la date du début des travaux exécutés sans permis. La demande de régularisation devra donc mentionner ces exigences.
Lorsqu'il s'agit d'une demande de modification, il faudra tenir compte des exigences énergétiques applicables à la date de demande de modification pour les travaux qui font l'objet de la modification. Au cas où la demande de modification résulterait en un nouveau permis d'urbanisme pour la totalité, il faudra tenir compte des exigences énergétiques applicables à la date de la dernière demande pour la construction entière.

Il est évident qu'un coordinateur de sécurité projet ne peut plus être désigné pour l'introduction d'une demande de régularisation puisque la phase conceptuelle est totalement achevée. A première vue la désignation d'un coordinateur de sécurité réalisation aussi semble inutile puisque les travaux sont réalisés. Néanmoins cette désignation reste, post factum, nécessaire, pour les constructions ou deux entreprises au moins ont opéré simultanément ou se sont relayées. Le dossier d'intervention ultérieure doit être établi. L'architecte chargé de la régularisation devra donc veiller à ce qu'un coordinateur de sécurité soit chargé de l'établissement de ce DIU

RÉGULARISATION VERSUS ASSURANCE RC

La plupart des architectes estiment qu'ils ne doivent pas déclarer les missions de régularisation à leur assureur, puisqu'ils ne portent aucune responsabilité pour les travaux réalisés sans leur intervention. Ceci n'est, bien sûr, pas conforme aux dispositions légales. La loi Laruelle et son AR concernant l'assurance sont clairs : toute activité professionnelle qui est de nature à engager la responsabilité civile de l'architecte doit être obligatoirement couverte par une assurance.
Même si la responsabilité contractuelle, y compris la responsabilité décennale, pour les travaux réalisés n'incombe pas à l'architecte chargé de la régularisation, la responsabilité de ce dernier peut être engagée pour fautes commises dans la constitution du dossier de régularisation et la demande du permis d'urbanisme et dès lors cette mission doit être couverte par une assurance. Les dispositions légales prévoient en effet explicitement que tout architecte doit obligatoirement assurer sa responsabilité liée à l'exercice de sa profession.

Est-ce que le risque est limité à l'établissement du dossier de régularisation ou non?

Il faut se poser la question si un architecte, chargé uniquement d'un demande de régularisation de travaux exécutés, ne peut encourir aucune responsabilité liée à la construction et peut donc se contenter d'établir un inventaire des travaux réalisés et d'introduire une demande de régularisation, sans aucun contrôle de la qualité des travaux réalisés.
L'architecte en question doit-il, dans le cadre du devoir d'information auquel est tenu tout architecte envers son client, vérifier également si les travaux réalisés sont conformes à la législation, les normes, les règles de l'art en vigueur ?

Il est évident que l'architecte ne peut plus modifier les travaux exécutés mais il doit néanmoins veiller à reproduire dans son dossier ce qui est réellement exécuté, et non ce qui aurait dû être exécuté. Il ne peut donc dissimuler les infractions aux règlements, normes ou règles de l'art.

Il est important également d'informer le maître de l'ouvrage sur les manquements constatés à l'occasion de l'établissement du dossier de régularisation. S'il s'agit de défauts importants qui touchent à la stabilité ou la sécurité, l'architecte sera tenu, de par l'obligation de prudence incombant à tout citoyen, d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur son obligation de remédier à ces manquements, s'il ne veut pas courir le risque d'être rendu (co)responsable d'un sinistre éventuel qui aurait pu être évité si l'architecte avait rempli son devoir d'information. Un risque de responsabilité extra-contractuelle n'est pas exclu non plus .

Cela ne veut nullement dire que l'architecte, chargé du dossier de régularisation, devient le responsable des travaux et se substitue à ceux qui ont réalisés ou permis de réaliser les travaux en question. Il porte cependant une responsabilité pour les conséquences dommageables suite au fait de n'avoir pas signalé les défauts en temps utile, alors qu'il aurait pu ou aurait dû les détecter à l'occasion de la régularisation et y faire remédier en temps utile.

CONCLUSION

Le risque de responsabilité lors d'une demande en régularisation est en principe limité aux dommages suite à une faute dans l'établissement du dossier de régularisation.

Une mission de régularisation ne peut avoir comme conséquence d'être chargé de la responsabilité des travaux exécutés.
Mais le maître de l'ouvrage doit être informé de son devoir de réparation de tous défauts relatifs à la stabilité et la sécurité de l'immeuble.
Un contrat clair et net est important et la déclaration de la mission à l'assureur RC ne peut être négligée.

Marijke Evens
Juriste d'entreprise SA Protect

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