Que faire lorsque le maître de l’ouvrage démarre les travaux a mon insu?

Vous êtes architecte, vous passez devant l’un de vos chantiers et vous constatez avec stupéfaction que le client a commencé les travaux sans même vous en tenir informé alors qu’une mission d’architecture complète vous a été confiée. Que devez-vous faire? Qu'en est-il de vos responsabilités? Votre mission prend-elle automatiquement fin par ce simple fait? Quels sont vos droits et obligations? En tant qu'architecte, vous êtes souvent confronté à un dilemme: dois-je tout de même poursuivre l’exécution de ma mission ou puis-je considérer ce fait comme constituant une résiliation unilatérale du contrat aux torts du client?

L'exécution de travaux sans en avertir au préalable l'architecte constitue de facto une infraction à l'article 4 de la Loi du 20 février 1939. Cet article stipule expressément que le concours d'un architecte inscrit à l'Ordre est obligatoire pour l’établissement des plans et le contrôle de l'exécution des travaux soumis à une demande préalable d'autorisation de bâtir. Le prescrit de l’article 4 est d’ordre public de sorte qu’on ne peut y déroger, pas même par le biais d’un accord conclu entre l’architecte et le Maître de l’Ouvrage. Pour le dire autrement, l'exécution de travaux pour lesquels un permis d’urbanisme est légalement requis sans que ceux-ci n’aient été contrôlés par un architecte est donc toujours illégale..

Aussi, l'architecte repris sur la demande de permis d’urbanisme comme étant l’architecte chargé du contrôle est réputé être à l’égard des tiers responsable du contrôle de l'exécution des travaux. Il existe donc dans son chef une présomption de responsabilité de la conformité des travaux aux plans établis et au permis d’urbanisme délivré. Il vous faut dès lors vous montrer particulièrement vigilant et entreprendre certaines démarches particulières lorsqu’une telle situation se présente à vous !

En outre, l’on peut également mentionner la convention conclue entre l’architecte et le Maître de l’Ouvrage. Il n’est pas rare d’y retrouver une clause mettant à charge du Maître de l’Ouvrage l’obligation d’informer l’architecte du début des travaux.

On peut donc en conclure que le Maître de l’Ouvrage commet à la fois une infraction légale et un manquement à ses obligations contractuelles en entamant les travaux sans en avertir au préalable l’architecte.

INFORMER IMMÉDIATEMENT LE MAÎTRE DE L’OUVRAGE, L'ORDRE ET LA COMMUNE

Compte tenu de ce qui précède, il est évident que vous ne pouvez vous contenter d’effectuer le contrôle de l’exécution des travaux sans émettre aucune réserve ou écrit. Comment gérer une telle situation ?

Lorsque vous constatez que le Maître de l’Ouvrage a entamé les travaux sans vous en informer, il vous faut immédiatement lui adresser un courrier recommandé au terme duquel vous l’informez de la situation constatée et de son caractère infractionnel en vous référant expressément aux dispositions légales et contractuelles applicables (article 4 de la loi du 20 février 1939 et éventuelles dispositions de votre contrat d’architecture).

« L’entame des travaux sans en informer au préalable l’architecte peut, en principe, toujours être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles et ce, quelle que soit la nature des travaux. »

Il importe également que vous signaliez au Maître de l’Ouvrage qu’en raison de l’absence d’avertissement, vous ne pouvez pas, en tant qu’architecte, porter la responsabilité de travaux pour lesquels vous n’avez pas eu la possibilité d’en exécuter le contrôle. Il faut également émettre vos réserves quant au respect du permis.

RÉSILIER OU POURSUIVRE LA COLLABORATION?

Bien que chaque situation doive être analysée in concreto (en fonction des circonstances propres de l’espèce) et que toute généralisation est dès lors à proscrire, nous pouvons néanmoins affirmer qu’entamer des travaux sans en informer au préalable l’architecte peut, en principe, toujours être considéré comme un manquement aux obligations contractuelles et ce, quelle que soit la nature des travaux. Après tout, le Maître de l’Ouvrage vous empêche de mener à bien votre mission légale et contractuelle de contrôle.

A la question de savoir si vous devez résilier la convention ou poursuivre la collaboration, nous vous répondrons que tout dépend de la situation.

S'il s'agit de travaux structurels qui ne peuvent plus être contrôlés et/ou rectifiés, nous vous déconseillons de poursuivre la collaboration. Si, en revanche, les travaux ne sont pas structurels et peuvent encore être contrôlés et – le cas échéant – rectifiés, vous pouvez, si vous le souhaitez, poursuivre la collaboration après avoir formulé les réserves nécessaires. La question de savoir si et dans quelle mesure vous pouvez « reprendre » votre mission dépend, en d’autres mots, du risque que vous encourrez.

Si, par exemple, les fondations du bâtiment ont déjà été érigées et qu'à première vue vous avez de sérieux doutes quant à la qualité de leur exécution, il est souvent plus avantageux et raisonnable d'envisager la résiliation immédiate du contrat aux torts du Maître de l’Ouvrage en établissant le manquement de ce dernier. Dans une telle situation, il est plus raisonnable de mettre un terme à la collaboration plutôt que de la poursuivre, même en émettant des réserves. Il en va de même lorsque la quasi-totalité du gros œuvre est érigé. En effet, que reste-t-il encore à contrôler ?

En cas de résiliation de la convention, les formalités classiques applicables à toute résiliation doivent être accomplies telles que ; l'établissement d’un courrier de résiliation de la mission rédigé à l’attention du Maître de l’Ouvrage (mentionnant éventuellement certaines réserves pour les dommages) et envoie d’un courrier recommandé à l’Ordre des architectes et à la commune. Vous trouverez de plus amples informations à ce sujet dans le Bulletin 49.

« Décider de mettre un terme à un projet d’architecture ne peut faire l’objet de l’application d’une règle générale ou systématique (puisque tout dépend des circonstances propres de l’espèce). Avant de prendre une telle décision, nous vous recommandons dès lors de contacter le service juridique de PROTECT.»

Si, en revanche, vous décidez de poursuivre la collaboration – parce que, par exemple, le chantier n'a que récemment commencé et que les travaux peuvent encore être facilement contrôlés – il est important que vous procédiez à toutes les vérifications que vous auriez dû effectuer à l’entame des travaux. Ainsi, il vous incombe de vérifier que les prescriptions en matière de coordination de la sécurité, de PEB, etc. ont bien été respectées, que l'implantation a été correctement réalisée par l'entrepreneur, qu’il n’existe pas de défauts apparents et si tel est le cas, ceux-ci doivent faire l’objet d’une réfection avant de poursuivre les travaux, etc. Il est également primordial de procéder, avant la reprise de votre mission, à un état des lieux que vous consignerez dans un rapport de chantier signé par toutes les parties et de vous réserver une preuve de l’envoi.

En outre, il est important que vous formuliez également une réserve à l'égard de tout dommage résultant du démarrage des travaux à votre insu et dont vous n’avez pu effectuer le contrôle. Nous vous recommandons vivement de vous prémunir d’un écrit signé par lequel le Maître de l’Ouvrage reconnait qu'il a commencé les travaux sans vous en avertir et qu’il accepte dès lors les conséquences résultant d'un manque de contrôle pour le passé.

MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR

Abstraction faite de ce qui vient d’être dit, il convient de souligner qu'il vaut toujours mieux prévenir que guérir. Si, en tant qu'architecte, vous adoptez une attitude proactive, de nombreux problèmes peuvent être évités. Par exemple, nous vous recommandons vivement d’introduire une clause dans votre contrat obligeant le Maître de l’Ouvrage de vous informer par écrit de la réception du permis et du commencement des travaux. En outre, il est recommandé, après le dépôt d'une demande de permis d’urbanisme, de vérifier régulièrement auprès du client s'il a ou non obtenu le permis et/ou s'il a l'intention de commencer les travaux. Cela peut déjà se faire par le biais d'un simple et court e-mail.

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La résiliation d’un contrat d'architecture ne peut faire l’objet de l’application d’une règle générale ou systématique. La jurisprudence est contradictoire quant à savoir si le commencement des travaux sans information préalable de l'architecte constitue ou non une faute grave du maître d'ouvrage, de sorte que le contrat peut être résilié unilatéralement à ses torts. Résilier le contrat trop tôt peut s'avérer être un point sensible, en ce sens que dans une procédure ultérieure et en cas de litige, vous pourriez être condamné par le client pour une rupture unilatérale du contrat.

Il faut donc faire preuve de prudence et, comme nous l'avons déjà dit, des circonstances propres de l’espèce. Ceci doit donc être examiné au cas par cas et il est donc conseillé - avant de procéder à la résiliation du contrat - de contacter le service juridique de PROTECT.

Pour d'autres questions et informations, vous pouvez nous joindre à l'adresse assist@protect.be et au numéro 02 421 17 48.